Sculpture

Texte de Richard ABIBON

La tête de cette femme est remplacée par une corne d’abondance d’où ruisselle un torrent de lettres. Elle a donc des choses à dire, ou à écrire, et c’est déjà ce que fait Chantal Lorio à travers le mode d’expression qu’elle s’est choisie.

Ces lettres coulent de source vers la source de toute vie, ainsi que le rappelait Courbet. Mais pour décoder les messages qu’elles diffusent, il faut la clef du code. Elle s’en entoure à profusion. C’est de cette rupture que peut se fermer l’image du corps, comme limite entre le dedans et le dehors. On ne peut plus pénétrer dedans comme dans un moulin, il faut le code de la porte, et la clef de ce code, c’est le phallus.

Le réel et la réalité VIII

Une représentation se caractérise par le fait qu’elle peut être présente en l’absence de l’objet représenté. Je peux me représenter Chantal lorsque, ici, j’en parle, bien qu’elle ne soit d‘évidence pas en chair et en os dans mon écrit. Ce dernier ne vous fait part que de la façon dont je me la représente, c’est-à-dire la façon dont elle entamé ma mémoire afin d’y laisser une trace articulée
aux autres traces qui y sont déjà, la mémoire de mon histoire personnelle. Ma représentation ne peut être autre que subjective.

Or, le phallus est le seul organe qui peut à la fois être là et pas là, en fonction du corps auquel on se réfère. Il est donc la référence corporelle princeps qui organise tout le processus de la représentation : c’est la clef de la serrure, que l’on voit fatalement « en représentation » à la place où l’on pense qu’il pourrait être, au bas-ventre d‘une femme.

Après, ce qu’il y a à déchiffrer… Chantal nous a fourni les lettres, à nous de trouver les mots. À chacun son histoire, il peut la projeter à loisir sur cette œuvre.